[…] les biens mobiliers sont non seulement très nombreux, mais d’une infinie
variété : ils vont des collections des musées jusqu’aux animaux des zoos, en
passant par les archives, les brevets ou encore les avions militaires… Une si
grande hétérogénéité pouvait rebuter le chercheur le plus motivé, alors pourtant
que ces biens revêtent aujourd’hui une importance croissante : d’un point de vue
non seulement économique - l’adage res mobilis, res vilis ayant perdu toute
pertinence, en raison notamment de la valeur de plus en plus importante des
propriétés immatérielles -, mais également culturel ou environnemental. Madame
Fanny Tarlet a donc commencé par se livrer à un monumental et méticuleux travail
d’inventaire (pour ne pas dire de « récolement ») : sa thèse fourmille
d’ailleurs d’exemples qui, par-delà leurs caractères déroutant et méconnu,
montrent toute l’importance et l’actualité de son sujet. Mais ce travail de
recensement était loin d’être achevé, car lorsqu’il s’est agi de découvrir les
régimes juridiques afférents aux divers types de meubles, les textes se sont
bien souvent avérés incomplets, voire inexistants : d’où un patient travail
d’enquête sur le terrain, mine d’informations inédites. La recherche, bien loin
de se limiter au droit administratif des biens, nécessitait donc de s’aventurer
sur les terres de la science administrative. Au-delà de ces champs
disciplinaires, elle empruntait également au droit civil des biens, au droit du
patrimoine culturel ou au droit de l’environnement, sans oublier le droit
financier. L’ampleur de la tâche n’a aucunement rebuté Madame Fanny Tarlet, qui
a finalement opté pour une conception large et moderne de son sujet, dépassant
la dimension « propriétariste » classique : les biens publics mobiliers sont
ainsi définis comme ceux qui sont utilisés par les personnes publiques (qu’elles
en soient ou non propriétaires) dans un but d’intérêt général. Désormais
régulièrement privilégiée en doctrine, cetteapproche fonctionnelle - qui permet
de dissocier propriété et usage - conduit à inclure dans l’objet d’étude les
biens appartenant à des tiers, mais utilisés par la personne publique pour ses
missions de service public (pratique souvent qualifiée d’« externalisation »).
Du point de vue théorique, elle donne un certain recul critique par rapport au
cadre - certes très riche - de la propriété publique : grâce à une lecture
comparée, l’on mesure tant la diversité et l’éclatement des dispositifs
d’utilisation ou de protection (droit des monuments historiques, des trésors
nationaux, des brevets, etc.) que l’insuffisance des régimes strictement
organiques. […] L’auteure avance des propositions (comme l’appropriation des res
communes par l’État). Elle forge de nouvelles classifications : ainsi de celle
des meubles de permanence (monnaie, archives…) et de circulation, tirée d’une
distinction médiévale sortie de l’oubli - les héritages et les cateux -, qui
réhabilite le lien unissant certains meubles à l’idée de continuité de l‘État et
de puissance publique […].
N° d'édition : 1
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Parution : Avril 2017