Peut-on servir deux maîtres à la fois ? Cette question biblique est portée à sa
cime lorsqu’elle est appliquée au droit, toujours tiraillé entre deux buts
antagonistes. Tout comme le droit des contrats s’épuise à faire la synthèse de
la liberté et de la solidarité, et le droit des sociétés celle de la
collectivité et de l’individu, le droit de la preuve en matière financière doit,
comme Monsieur Nicolas Ida l’observe à l’orée de son travail doctoral, «
concilier les impératifs d’efficacité et de légitimité de la répression
financière ». […]
C’est cette recherche du « point d’équilibre » qui se présente comme l’horizon
de la réflexion de l’auteur.
Le plan de thèse de Monsieur Nicolas Ida révèle avec finesse la dualité de la
preuve au travers des deux temps de la procédure devant l’AMF. Au cours de cette
procédure, la preuve est successivement envisagée comme une opération
matérielle, puis comme une opération intellectuelle, selon que l’on se situe au
stade des investigations préalables à la notification de griefs ou au stade du
jugement devant la Commission des sanctions de l’AMF.
La phase préliminaire de constitution du dossier probatoire est marquée par le
renforcement constant des garanties procédurales au bénéfice des personnes
visées par les investigations conduites par l’AMF. Ce constat dressé par
l’auteur vient en balance de l’essor des pouvoirs de l’AMF – droit de
communication de tous documents, d’accès aux locaux professionnels, de procéder
à des infiltrations numériques, de perquisition menée par les enquêteurs, etc. –
qui ne pouvait qu’appeler des contreforts. […]
Le second temps de l’étude se déprend des preuves matérielles pour se porter sur
le raisonnement à partir des preuves ainsi réunies qu’est conduit à tenir la
Commission des sanctions de l’AMF. Ce parti pris est en lui-même un apport de la
thèse. Le raisonnement probatoire est en effet la boîte noire du droit de la
preuve, lequel demeure trop souvent concentré sur les preuves matérielles et
leur mode d’administration et d’admissibilité. […]
Finalement, […] les ambitions de la thèse de Monsieur Nicolas Ida conjuguent
harmonieusement suggestions spécifiques d’amélioration de la procédure devant
l’AMF et propositions plus globales d’évolution du droit de la preuve en
général.
Le droit financier se révèle ainsi comme un point d’observation privilégié du
droit de la preuve tant il exacerbe les difficultés habituelles que rencontre ce
dernier, et oblige donc davantage qu’ailleurs encore, à les transcender.
N° d'édition : 1
Collection : Hors collection Dalloz
Parution : Février 2022