Les États ne prennent pas volontiers le risque de s’engager sans limite à
respecter des règles, conventionnelles ou autres, destinées à régir durablement
les relations qu’ils entretiennent dans un certain domaine. D’engagements de
cette sorte, valant sans limitation de durée ou même pour une durée déterminée
mais telle que leur portée ne puisse être évaluée à l’avance avec un minimum de
prévisibilité, peuvent résulter des charges jugées excessives par un État, qui
justifieraient qu’il soit libéré, définitivement ou seulement pour faire face à
des circonstances momentanées, d’obligations dont l’exécution imposerait à
l’État, durablement ou non, une charge qu’il jugerait excessive.
Parmi ces techniques, deux types retiennent spécialement l’intérêt,l’extinction
et le retrait d’une part, la suspension de l’application de l’autre. Si le
premier type fait l’objet d’une attention soutenue de la doctrine, elle s’est
peu attachée au second, et le droit international général, tel que le recense la
convention de Vienne sur le droit des traités dans sa Ve partie, les soumet à
des règles très largement communes, alors qu’ils poursuivent des fins et
remplissent des fonctions différentes ; ils font d’ailleurs l’objet de
dispositions beaucoup plus différenciées dans la pratique des clauses qui
déterminent dès la conclusion de l’engagement le genre de circonstances,
prévisibles celles-là, qui pourraient justifier le recours aux unes ou à
l’autre. Une étude de la suspension peut prendre appui sur le recensement et
l’analyse de cette pratique.
La thèse de Nathalie Clarenc constitue la première tentative de systématisation
de la suspension, considérée comme un mécanisme autonome, offrant un moyen de
concilier, dans l’intérêt de l’État en cause comme dans celui de ses
partenaires, le maintien du lien conventionnel et la libération, durant une
période limitée, du poids que représente la soumission aux obligations qui en
résultent pour l’État lorsqu’il rencontre des difficultés momentanées. Présentée
comme une « désactivation » provisoire du lien conventionnel, la suspension
réduit la portée de l’engagement initial de l’État, dont seuls certains aspects,
liés à la qualité de partie, lui restent opposables, tandis que les obligations
substantielles qu’il comporte, ou certaines d’entre elles, cessent de l’être
durant la suspension ; en évitant que le lien résultant de l’engagement ne soit
rompu, la technique de la suspension lui permet de reprendre sa pleine
efficacité une fois disparues les circonstances qui ont conduit à y recourir.
N° d'édition : 1
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Parution : Avril 2017