Préface de Michel Verpeaux
[…] Il est fréquent, presque par réflexe, de nier la possibilité de lacunes en
présentant les constitutions en général – et celle de 1958 en particulier –
comme étant nécessairement complètes, en ne considérant les lacunes que comme
une vue de l’esprit. Cette affirmation méritait d’être évaluée.
[…] La thèse mêle, de manière heureuse, l’étude concrète du droit positif et des
questionnements de théorie du droit et de théorie constitutionnelle et M. Julien
Jeanneney passe au crible tant le droit constitutionnel lui-même, institutionnel
et jurisprudentiel, que les discours doctrinaux et politiques formulés à son
propos.
Une fois constatée la richesse des écrits – peu connus – consacrés, dans de
nombreux pays, depuis plus d’un siècle, à la question des lacunes dans les
systèmes normatifs, l’auteur a observé que ces propositions de théorie du droit
sont rarement évaluées à l’aune d’une analyse précise du droit positif. Il a
alors cherché à clarifier les concepts par le truchement desquels est le plus
souvent appréhendée la question des lacunes dans les systèmes normatifs, en
montrant les avantages et les inconvénients de chacune de ces représentations, à
la faveur de leur confrontation avec le droit positif. Il a fait le choix, en
particulier, de mettre en regard la diversité des propositions relatives au
caractère complet ou lacunaire des systèmes normatifs en général et ce que les
systèmes normatifs constitutionnels – en particulier la Constitution de 1958 –
peuvent avoir de singulier.
L’auteur défend la thèse selon laquelle les lacunes perçues dans un système
normatif sont autant le fruit de la conception systématique des normes
juridiques, servie par l’entreprise de dogmatique juridique, que des propriétés
attachées, de façon contingente, à tel ou tel système normatif particulier.
Constatant le malaise que suscite l’étude des lacunes dans le champ du droit et
le désordre conceptuel qui entoure couramment l’utilisation des termes employés
pour les désigner, il distingue différents types de lacunes, les lacunes
normatives, les « lacunes de reconnaissance », les « lacunes subjectives », les
« lacunes techniques », et les « lacunes axiologiques ». À ces différents
concepts dont les principaux traits ont été fixés par deux siècles d’écrits
doctrinaux, l’auteur propose d’ajouter un concept de « lacune institutionnelle
», qui présente, à ses yeux, l’avantage d’illustrer ce qu’il peut y avoir de
plus objectif dans la désignation d’une lacune dans la Constitution […].
N° d'édition : 1
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Parution : Avril 2016