[…] il existe bien, en droit, une notion unitaire d’entretien, fondée sur un
critère propre et performant : l’acte d’entretien est celui qui permet d’assurer
le maintien d’une existence normale et durable. L’existence normale s’entend,
objectivement, d’une existence d’une qualité minimale et, subjectivement, d’une
existence d’une qualité suffisante. L’existence durable s’apprécie compte tenu
de la durée de vie possible de chaque personne et de chaque bien entretenus. […]
L’acte d’entretien concerne aussi bien les personnes physiques que les biens.
[…] Leur commune relevance d’une même catégorie n’aboutit, pour autant, à aucune
confusion de ces instances dont l’opposition est au fondement de
l’ordonnancement juridique, en tant qu’elle prolonge un choix axiologique
premier […]. L’unité de la notion d’entretien contraste avec la dualité de son
régime, sans qu’il ne s’agisse par-là d’une division entre le régime de
l’entretien des personnes physiques et le régime de l’entretien des biens.
L’opposition du régime de l’entretien s’articule à partir de la distinction,
effectivement majeure, entre la faculté d’entretien (des personnes et des biens)
et l’obligation d’entretien (des personnes et des biens). Nul n’est en principe
tenu ni de s’entretenir ni d’entretenir son bien ; il y a là l’une des
manifestations du principe de liberté, rappel qui permet d’observer que la
propriété ne constitue jamais que la déclinaison de la liberté dans l’ordre des
choses. Pour autant, le principe selon lequel, s’agissant de soi-même comme de
ses biens, l’entretien est affaire de faculté, sonne comme un principe vide
chaque fois que le titulaire de ladite faculté est dépourvu des moyens lui
permettant de procéder effectivement ou suffisamment à l’entretien de sa
personne ou de ses biens […]. La faculté d’entretien n’est pas absolue. Elle est
[…] « tempérée » par des obligations, parfois des contraintes, destinées à
conduire un sujet de droit à entretenir sa personne physique ou tels de ses
biens, encore qu’il existe, peut-on estimer, une contradiction insurmontable
entre la faculté de s’entretenir ou d’entretenir ses biens, donc celle de ne pas
le faire, et l’obligation d’y procéder […]. L’obligation d’entretenir autrui ou
la chose d’autrui correspond à des hypothèses diverses, parfois fort différentes
les unes des autres, et là encore, il ne s’agit pas seulement de ce que
l’obligation d’entretenir une personne obéit à des ressorts philosophiques,
politiques ou sociaux autres que ceux qui fondent l’obligation d’entretenir un
bien. Hugues Michelin-Brachet dresse un tableau analytique, une taxinomie même,
des cas dans lesquels une obligation d’entretien est édictée. Cette
classification, non seulement contribue efficacement à la construction de la
théorie générale de l’entretien, mais encore permet de mesurer l’importance, la
richesse et l’étendue de l’obligation d’entretien. Le tableau systématique que
présente l’auteur s’achève par l’analyse raisonnée du régime d’exécution de
l’obligation d’entretien, développement qui est d’une utilité concrète certaine,
tout en révélant que le souci d’efficacité de cette obligation n’est pas le
moindre des traits de son régime. Ce qui met encore en exergue l’importance
sociale du phénomène à l’analyse de la dimension juridique duquel s’est attaché
Hugues Michelin-Brachet. […].
N° d'édition : 1
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Parution : Avril 2019